Patrimoine et Histoire de Champfromier, par Ghislain LANCEL

Carrière de pierre à plâtre,
André-Marie Marinet et autres (1813-1849)

 

Les "Mémoires Statistiques des divers Départemens de l'Empire" sont encadrés par un arrêté de Son Excellence le Ministre de l'Intérieur, daté de Milan le 26 Floréal an XIII (16/05/1805), sur ordre de Sa majesté l'Empereur et Roi. Connues sous le nom de Mémoires de Bossi, et publiées avant 1808, la carrière de pierre à plâtre de Champfromier - on fait semblant d'ignorer Montanges - y est déjà mentionnée : "Carrière de plâtre à Champ-Fromier. On a découvert depuis quelques années, dans la commune de Champ-Fromier, à un myriamètre (10 km) de Chatillon-de-Michailles, et à 2 myriamètres (20 km) de Nantua, une carrière de plâtre blanc, très abondante et d'une exploitation facile. On y trouve aussi quelques veines de plâtre gris, mais en petite quantité. Cette carrière s'exploite avec des lévriers et autres instrumens de fer. Les voitures peuvent aller jusqu'au pied de la mine. Le myriagramme (10 kg) brut coûte 10 centimes pris sur place, et 50 centimes rendu à Nantua. On fait une extraction annuelle très considérable de ce plâtre, qui est d'une qualité supérieure" [Bossi, Statistiques du Département de l'Ain, pp. 631-632].

 

Adjudication de la carrière remportée Marinet André-Marie en 1813

Les réserves de la série Q (ou Q1) des archives départementales de l'Ain (non inventoriées permettent d'en savoir davantage. Non classée et non consultable, j'avais toutefois obtenu en juillet 2018 une dérogation pour consultation, en raison de la préparation de l'ouvrage sur l'Abbaye de Chézery). Il existe en particulier un registre (portant en couverture les mentions N° 1er / Sommier de compte ouvert) où sont des mentions de ventes concernant Champfromier. Ainsi à la page de numéro d'ordre 53, commune de Champfromier, figure la mention de l'adjudication à Marinet André-Marie, notaire à Ballon, par procès-verbal du 19 août 1813, d'une carrière à plâtre moyennant le prix de 1.050 francs (payé en 4 fois, entre le même jour 19 août 1813 et le 19 novembre 1815) [AD01, Réserve Q, Registre N° 1er / Sommier de compte ouvert]. On retrouve cette information par une procédure engagées cinquante années plus tard, portant dans ses registres de délibérations que la commune de Champfromier avait vendu, "en date du 19 août 1813, à M. Marinet André-Marie, une carrière de plâtre de la contenance d'un hectare [sic], qui n'a pas été limitée avec les communaux voisins", et pour ce motif demande au préfet l'autorisation d'exiger que le nouveau propriétaire, M. Crochet, procède à la limitation (afin que la commune de Champfromier puisse récupérer le surplus) [RD10, f° 79 (07/05/1863)]. Notons que le maire de Champfromier poursuivra encore cette idée (que la parcelle 422 de 1 hectare 79 ares 60 centiares, n'a été vendue que pour un hectare et qu'il lui revient donc le complément) lors de la vente de la carrière par adjudication au tribunal de Nantua en 1872, mais sa demande n'en sera pas retenue, pour n'intervenir qu'au dernier moment alors que la carrière avait été mise en adjudication dès 1863 ! [Hypothèques de Nantua, Vol 239, n° 42].

Précisons que par la matrice cadastrale de 1833 de Champfromier, cette parcelle est parfaitement identifiée (D422, feuille D2), ainsi que sa contenance qui est en réalité de 1ha 79a 60ca. Cette parcelle est limitrophe de Montanges où se développa la carrière de Crochet, dite de Pré-Basson.

Cette superficie allant presque du simple au double, avait motivé la municipalité à agir pour récupérer le surplus de l'hectare. Ainsi, en 1851, le conseil municipal de Champfromier, "considérant que Mr Crochet Amédée, administrateur, propriétaire d'une parcelle de terrain communal, comme provenant d'un sieur Durand héritier de Mr Marinet (décédé avant novembre 1824) qui l'avait achetée de la commune, s'est emparé depuis quelques années d'une partie que la commune avait conservé pour le passage des bestiaux pour aller à l'abreuvoir et aux pâturages", délègue les sieurs Coutier Paul, Coudurier Martin, Ducret François et Ducret Martin pour aller limiter ladite parcelle, amiablement avec Mr Crochet, et en cas de refus de le traduire devant les tribunaux ! [RD10, f° 31 (17/05/1851)]. Mais apparemment rien n'avait été clairement réglé, et, une décennie plus tard encore, en juin 1863, Paul Coutier, maire de Champfromier, avait relancé la tentative de récupérer le surplus de l'hectare jadis vendu. Un mois plus tard, pour la même cause, le conseil municipal demandait l'assignation judiciaire de M. Crochet, "exproprié", pour réduire sa possession à 100 ares [RD10, f° 80 (19/06/1863)]. Il ne semble pas que cette procédure ait produit quelques effets puisque la parcelle concernée restera entière et sans trace de partage aux plans rénovés de la commune... D'ailleurs, on n'entendra plus jamais parler de la carrière de Champfromier. C'est dès lors depuis Montanges (avec l'usine de Prébasson) qu'une exploitation du gypse va se développer et faire la renommée de ses plâtres durant un siècle.

Rappelons que la partie principale de la carrière sera bien vite centrée sur la commune voisine de Montanges. D'après l'état des sections de Montanges, en 1833, Louis Joseph Stanislas Marinet, avocat à Ballon, fils d'André Marie, décédé le 23 août 1841 à Ballon, célibataire, est propriétaire de la carrière de Montanges (parcelles A 1375 à 1382, dont la maison dite la Platrière avec son fourneau, fabrique de plâtre, en A 1380 [vue 39/139]).

Les registres de propriétés de Champfromier permettent de suivre les transmissions des parcelles. Les possessions Marinet, y compris pour la Platrière (maison et fourneau), sont ainsi confirmées [case 154, vue 192/342)].

 

Vente à Henri Durand (1841)

Le 16 août 1841, Louis Joseph Stanislas Marinet, chevalier de la légion d'honneur, maire de Lancrans, y demeurant, vend à Me Marie Jean Claude Henri Durand, conseiller à la cour royale de Lyon, où il demeure, "toutes les propriétés immobilières (...) qu'il possède sur les communes de Lancrans, Montanges, Champfromier et Forens", moyennant la somme de 90.000 francs. Cette vente comprend donc la carrière [AD01, 3E 38430 -- Hypothèques de Nantua, Vol. 54, n° 63].

Un terrain est ajouté à la mine par un acte d'échange fait entre M. Durand et la commune de Montanges, reçu par Me Caire le 25 novembre 1844. Le domaine est exploité avec de simples baux verbaux, d'abord aux frères Juilland de Communal, puis, et il l'était encore en 1849, à François Bornet de Champfromier. A cette date, la "mine à plâtre qui en dépend, le moulin soit battoir à piller", et/ou le terrain supplémentaire étaient aussi "possédés" par bail verbal par Amédée Crochet [Hypothèques de Nantua, Vol. 73, n° 27].

Au registre des propriété, la parcelle D 422 passe d'André-Marie Marinet à Amédée Crochet (sans intermédiaire signalé), en 1849 [Case 313 (vue 359/512)], puis en 1904 à Alexandre Duclos, négociant à Tassin la Demi-Lune (Rhône), puis à Thomas BERTRAND, rentier à Nantua [Case 565 du 2e registre (vue 109/456]. On sait que la carrière de Montanges sera mise en vente par adjudication le 5 juin 1863 à Nantua, repoussée en juillet, et finalement effective en 1872 [L'Abeille 16/05/1863, p. 3]. La tentative, un mois après la première adjudication, de régularisation territoriale à Champfromier, où le sieur Crochet est taxé du qualificatif "exproprié" n'était, sans aucun doute, pas étrangère à cette situation. Un François Honoré Moine, travaillant au plâtre, aussi dit asphalteur, né en 1859 à Montanges, pourrait avoir possédé aussi la parcelle D 422 acquise en 1891, mais il est mort l'année suivante, à Montanges le 10 février 1892.

 

Voir les antécédents de cette carrière

Recueil des données en 2011. Première publication le 23 juin 2021. Dernière mise à jour de cette page, le 12/06/2024.

 

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